Yann-Ber Tillenon et Martine Aubry.

Que l’on soit d’accord avec eux ou pas, il est toujours très intéressant de fréquenter des personnages politiques de premier plan à Paris, surtout ceux qui mènent la politique française. Martine Aubry fait partie des femmes absolument exceptionnelles de la politique en France et en Europe.

 Yann-Ber Tillenon

Martine Aubry, de son nom de jeune fille Martine Delors, est la fille de Jacques Delors. Elle est née le 8 août 1950 à Paris (XVIIe). Ministre de l’Emploi et de la Solidarité de 1997 à 2000, elle a notamment mis en œuvre la réforme des 35 heures et la couverture maladie universelle(CMU). Elle est maire de Lille depuis mars 2001.  Elle est aussi présidente de la communauté urbaine de Lille depuis le 18 avril 2008.

Le 21 novembre 2008, selon les résultats officiels validés le 25 novembre 2008 par le conseil national du Parti socialiste, elle est élue premier secrétaire du Parti socialiste. Elle l’emporte au second tour du vote des militants face à Ségolène Royal de 102 voix, soit 50,04 % contre 49,96 %.

Elle est la fille de Jacques Delors, ministre des finances de François Mitterrand de 1981 à 1985 puis président de la Commission européenne de 1985 à 1995.

Après avoir été scolarisé dans l’enseignement privé et public (lycée Paul Valéry de Paris), Martine Aubry sort diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris en 1972. De 1973 à 1975, elle est élève à l’École nationale d’administration (promotion Léon Blum), dont elle sort administratrice civile au ministère du Travail et des Affaires sociales. Pendant la même période, elle milite à la CFDT, et devient Professeur à l’ENA en 1978. Elle est détachée au Conseil d’État entre 1980 et 1981.

Après l’élection à la présidence de la République de François Mitterrand en 1981, elle occupe divers postes au ministère du Travail et des Affaires sociales, dans les cabinets de Jean Auroux (elle y rédige les lois Auroux) et de Pierre Bérégovoy. En 1984, elle instruit notamment la politique française « pro amiante » auprès du CPA, représentée par son adjoint direct, Jean-Luc Pasquier qui attestera devant les juges des choix faits par sa hiérarchie.

 Après la victoire de la droite aux élections législatives de 1986, elle est nommée maître des requêtes au tour extérieur au Conseil d’État. Entre 1989 et 1991, elle travaille chez Pechiney et devient la directrice adjointe de l’homme d’affaires Jean Gandois. À ce poste, elle participe à l’ouverture d’une usine à Dunkerque et de la fermeture de l’usine d’aluminium de Noguères (Pyrénées-Atlantiques).

En 1991, nommée ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle par Édith Cresson, elle est reconduite à ce poste par Pierre Bérégovoy jusque mars 1993. Selon le témoignage de Jean-Luc Pasquier, elle défend le concept d' »usage contrôlé » de l’amiante, là où tous les membres de la Communauté économique européenne voulaient interdire purement et simplement ce produit, bloquant le décret européen d’interdiction de l’amiante.

Après la victoire de la droite aux élections législatives de 1993, elle crée la Fondation Agir contre l’exclusion (FACE). C’est  avant que Pierre Mauroy la nomme, en 1995, première adjointe à la mairie de Lille pour lui permettre de s’implanter dans le département du Nord.

Lionel Jospin, qui est élu par les militants socialistes comme candidat à l’élection présidentielle de 1995, la choisit comme porte-parole de sa campagne présidentielle. Défait, l’ex-candidat est élu premier secrétaire du parti, et propose à Martine Aubry la place de numéro deux, qu’elle refuse.

Ayant de bonnes relations avec une partie du patronat (en particulier avec le président du CNPF Jean Gandois, son ancien patron chez Péchiney), tout comme avec le Parti communiste. Elle s’entend cependant assez mal avec les syndicats, en particulier avec la secrétaire générale de la CFDT Nicole Notat.

Décrite comme dure et exigeante, elle explique : « Je dis les choses en face, je ne suis pas « faux-cul ». Mais je crois être bien moins dure que beaucoup de gens en politique. Je suis même peut-être trop sensible ».

Elle contribue à la victoire de la « gauche plurielle » en 1997 en gagnant un siège de députée du Nord : Lionel Jospin la nomme alors numéro deux du gouvernement, en tant que ministre de l’Emploi et de la Solidarité. Elle met en place la principale promesse du Premier ministre : la lutte contre le chômage avec la création d’emplois en mettant en œuvre plusieurs dispositifs publics et notamment les 35 heures. Cette mesure, décriée par la droite et le patronat, est très débattue, et entraîne la démission de son ancien patron Jean Gandois de la tête du CNPF. Les effets de la politique de réduction du temps de travail restent débattus. Des estimations évaluent de 300 000 à 450 000 le nombre d’emplois créés, en deçà des 700 000 emplois visés par certains socialistes. Des études montrent une augmentation de la productivité horaire. Entre 1998 et 2001, la durée effective de travail a été réduite d’environ 2,6 heures.

D’autres études mettent en avant un coût important pour les finances publiques. En outre, l’INSEE estime la création d’emplois à court terme à 350 000 emplois, dont 150 000 dus aux allègements de charges. L’institut pose la « question de la pérennité de ces emplois » et montre que la loi a eu un impact négatif sur le pouvoir d’achat des travailleurs. Des études plus récentes montrent qu’à long terme, « compte tenu notamment du coût du financement [des] allègements de charges et de la dynamique du SMIC horaire induit par l’instauration des garanties mensuelles minimales », les lois Aubry auraient détruit des emplois, « en dépit des importantes créations qui ont pu les accompagner sur la période 1998-2001 ».

La RTT a l’originalité de faire l’objet d’une nouvelle pratique de la législation avec une première loi votée le 13 juin 1998. Elle pose les principes et repose sur le volontariat des partenaires sociaux. Elle est suivie d’une seconde loi applicable à tous au 1er janvier 2000, basée sur plus de cent mille accords d’entreprises et de branche.

Elle met aussi en place les emplois jeunes en 1997, la loi de lutte contre les exclusions en 1998 et la couverture maladie universelle (CMU) en 2000. Elle sera la première à réussir à combler le fameux « trou » de la Sécurité sociale en 2000, avant de jeter les bases de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) pour les personnes âgées dépendantes.

Elle fonde en 2000 le club « Réformer », groupe de réflexion politique avec Marylise Lebranchu, Jean Le Garrec, François Lamy, Adeline Hazan.

Le 18 octobre 2000, Martine Aubry démissionne du gouvernement. Elle est remplacée par Élisabeth Guigou. Dès lors, elle se consacre à la campagne des élections municipales à Lille. Après une campagne très active, elle est élue maire dans une triangulaire qui l’oppose à Christian Decocq (RPR-UDF-DL) et Philippe Bernard (FN). Son prédécesseur, l’ancien Premier ministre Pierre Mauroy, conserve la présidence de la communauté urbaine de Lille, et en 2002, il annonce son intention de lui laisser la présidence de la LMCU lors du prochain renouvellement. En 2002, beaucoup la voient Premier ministre en cas de victoire de Lionel Jospin à l’élection présidentielle. Mais il est éliminé dès le premier tour.  le 16 juin 2002, de nouveau candidate dans la 5e circonscription du Nord, réputée imprenable par la droite, elle est battue de 1 044 voix par le candidat UMP Sébastien Huyghe.

Bien que réputée cuirassée (elle est surnommée la « Dame de fer »), son échec la fait fondre en larmes au soir du second tour. Elle déclare payer « pour ne pas avoir fait assez pour les gens à bas salaires ». Dès lors, elle reste relativement discrète au plan national, se consacrant uniquement à son mandat de maire.

Le 20 mars 2004, divorcée de Xavier Aubry dont elle a gardé le nom, elle épouse en secondes noces l’avocat lillois Jean-Louis Brochen.

Entre-temps, en tant que maire de Lille, elle a considérablement modifié l’ambiance et l’image extérieure de la ville par l’opération « Lille 2004, capitale européenne de la culture ». Elle a fait venir à Lille, en un an, plus de 9 millions de visiteurs. Elle a lancé le 14 octobre dernier Lille 3000, l’après-Lille 2004. Elle a paré sa ville pour trois mois aux couleurs de l’Inde, et a proposé au public plus de 300 manifestations culturelles. Près d’un million de visiteurs a été accueillis.

En 2005, elle déçoit les fervents du club de football local, le LOSC, en persistant dans l’intention première (et unanimement partagée au départ) de maintenir le LOSC à Lille dans le Stade Grimonprez-Jooris agrandi dans la zone classée de la citadelle de Lille. Le permis de construire qu’elle a attribué est annulé en appel puis en cassation. Un projet de construction d’un nouveau grand stade dans la métropole lilloise est alors lancé par Lille Métropole Communauté Urbaine.

Récemment, au cours des années 2002-2006, un nouveau partage de l’espace public entre piétons, voiture, et vélos a valu au maire une certaine chute de popularité. Mais nombre de ses initiatives, comme le Projet de renouvellement urbain sur Lille Sud et Moulins ou Lille Ville de la Solidarité et Lille Plage, une plage solidaire qui a été installée l’été 2006 au cœur des quartiers en difficultés de Lille, ou à venir Lille Neige (une patinoire de 600 m² à Lille Sud), sont saluées des habitants.

Longtemps soutenue par son prédécesseur Pierre Mauroy, le maire de Lille a été affecté par une critique de celui-ci lors du bureau national du Parti socialiste le 21 mars 2006.  Pour preuve de conciliation, Martine Aubry a annoncé qu’elle n’avait pas l’intention d’être candidate aux élections législatives de 2007 sur une circonscription qui ne serait pas lilloise comme c’est le cas pour la 5e du Nord située hors les murs. Elle avait envisagé de se présenter dans la circonscription « lilloise » de l’hôtel de ville, la 2e, détenue depuis plus de trente ans par Bernard Derosier qui, après avoir annoncé un temps son intention de ne pas se représenter a finalement décidé de maintenir sa candidature.

Le 16 mars 2008, Martine Aubry est réélue maire de Lille à l’issue du second tour des élections municipales face à son adversaire UMP Sébastien Huyghe avec un score de 66,56 % mais dans un contexte de forte abstention (55,58 %). Elle réalise ainsi le score le plus élevé lors d’une élection municipale à Lille, grâce à une alliance avec les listes des Verts et du MoDem, ayant respectivement obtenu 11,58 et 7,79 % des voix au premier tour. Elle donne à Jacques Richir, ex-chef de file UDF et grande figure de la droite lilloise, un poste d’adjoint.

Un mois après, elle succède à Pierre Mauroy à la tête de Lille Métropole Communauté Urbaine, forte d’un accord de majorité avec les groupes des Verts et du MoDem, ainsi que le groupe Métropole Passions Communes réunissant les élus de 41 petites communes de la métropole. Militante socialiste depuis 1974, secrétaire nationale du Parti socialiste à partir de 2000, elle est chargée, en décembre 2004, avec Dominique Strauss-Kahn et Jack Lang de préparer un projet politique pour 2007.

Comme la plupart des dirigeants socialistes, elle s’est prononcée pour l’adoption du Traité constitutionnel européen.

Après sa réélection à Lille, elle est ouvertement sollicitée pour prendre la succession du Premier secrétaire du Parti socialiste François Hollande à l’issue du congrès de Reims qui a lieu en novembre 2008. N’ayant pas fait acte de candidature comme Ségolène Royal ou Pierre Moscovici, elle est toutefois la première signataire d’une contribution intitulée « une vision pour espérer, une volonté pour transformer », cosignée par Pierre Mauroy, Jack Lang, Adeline Hazan, François Lamy, et soutenue par les fédérations du Nord et du Pas-de-Calais.

Lors du conseil national de synthèse du 23 septembre 2008, elle présente la motion intitulée « Changer à gauche pour changer la France » dont elle est la première signataire. texte sur lequel elle rassemble ses proches (Marylise Lebranchu, François Lamy, Adeline Hazan), les amis de Dominique Strauss-Kahn (Jean-Christophe Cambadélis, Jean-Paul Huchon, Laurent Baumel, Jean-Jacques Urvoas), de Laurent Fabius (Claude Bartolone, Guillaume Bachelay) et d’Arnaud Montebourg. On retrouve également des proches de Benoît Hamon comme David Lebon et Gwenegan Bui, deux anciens présidents du Mouvement des jeunes socialistes.

 Lors du vote des militants du 6 novembre 2008, cette motion recueille 24,32 % des voix et occupe la troisième place, juste derrière la motion de Bertrand Delanoë (25,24 %) et celle de Ségolène Royal (29,08 %)[29]. Le 15 novembre, après que le congrès de Reims n’a pas réussi à dégager de synthèse, Martine Aubry annonce sa candidature au poste de premier secrétaire.

Le 20 novembre 2008, lors du premier tour de l’élection du premier secrétaire du Parti socialiste, elle se qualifie pour le second tour avec 34,5 % des votes des militants socialistes, derrière Ségolène Royal (42,9 %) mais devant Benoît Hamon (22,6 %), qui appelle aussitôt à voter « massivement » pour elle.

Le lendemain, le 21 novembre 2008, selon les résultats officiels mais encore non validés par le Conseil national du PS, Martine Aubry arrive en tête du vote de second tour pour le poste de première secrétaire, en l’emportant face à Ségolène Royal avec une très courte avance de 42 voix, soit 50,02 % contre 49,98 %[32]. Ces résultats sont immédiatement contestés par les partisans de Ségolène Royal, qui exigent un nouveau vote. Finalement, c’est avec un écart de 102 voix que Martine Aubry est élue premier secrétaire du Parti socialiste avec 67 451 voix contre 67 349 pour Ségolène Royal, soit 50,04 % pour 49,96 %[2]. Suite à son élection, elle connaît une spectaculaire hausse de popularité, gagnant 11 points dans le baromètre TNS Sofres pour le Le Figaro Magazine.

Les Études de Martine AUBRY

* Scolarité au lycée Notre-Dame-des-Oiseaux, où elle croise la future chanteuse et comédienne Chantal Goya
* Scolarité dans l’enseignement libre (mais en partie au lycée public Paul Valéry de Paris)
* Licence de sciences économiques
* Diplômée de l’Institut des sciences sociales du travail
* 1972 : diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris
* 1973 – 1975 : élève de l’École nationale d’administration, promotion Léon Blum.

Récapitulatif des fonctions de Martine AUBRY

* 1975 – 1979 : haut fonctionnaire au ministère du Travail
* 1978 : professeur à l’École nationale d’administration (ENA)
* 1980 – 1981 : administrateur civil détaché au Conseil d’État
* 1981 : conseiller technique au cabinet du ministre du Travail (y rédige les lois Auroux)
* 1983 – 1984 : chargée de mission auprès du ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale
* 1984 – 1987 : Directeur des relations du travail au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle
* 1987 : maître des requêtes au Conseil d’État
* 1989 – 1991 : directeur général adjoint du groupe Péchiney dirigé alors par Jean Gandois, futur président du CNPF
* mai 1991 – mars 1993 : ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle des gouvernements Cresson et Bérégovoy
* octobre 1993 – 1997 : présidente fondatrice de la Fondation Agir contre l’exclusion (FACE)
* mars 1995 – mars 2001 : premier adjoint du maire de Lille et vice-présidente de la communauté urbaine de Lille
* juin – juillet 1997 : députée de la 5e circonscription du Nord
* juin 1997 – octobre 2000 : ministre de l’Emploi et de la Solidarité dans le gouvernement Jospin
* Depuis mars 2001 : maire de Lille, vice-présidente de communauté urbaine de Lille chargée du développement économique, présidente de l’Institut Pasteur de Lille, présidente du CHRU de Lille, présidente de Lille 2004 Capitale européenne de la culture
* Depuis décembre 2000 : membre du bureau national du Parti socialiste (secrétaire nationale chargée du projet de 2000 à 2005, puis des affaires sociales et de l’emploi au pôle activités jusqu’en 2008)
* Depuis septembre 2006 : conseiller d’État en service ordinaire (hors tour) (en disponibilité)
* Depuis avril 2008 : présidente de la communauté urbaine de Lille
* Novembre 2008 : premier secrétaire du Parti socialiste.