Frantz Fanon

DOIS-JE SUR CETTE TERRE, QUI DÉJÀ TENTE DE SE DÉROBER, ME POSER LE PROBLÈME DE LA VÉRITÉ NOIRE ?

DOIS-JE ME CONFINER DANS LA JUSTIFICATION D’UN ANGLE FACIAL ?

JE N’AI PAS LE DROIT, MOI HOMME DE COULEUR, DE RECHERCHER EN QUOI MA RACE EST SUPÉRIEURE OU INFÉRIEURE A UNE AUTRE RACE.

JE N’AI PAS LE DROIT, MOI HOMME DE COULEUR, DE ME SOUHAITER LA CRISTALLISATION CHEZ LE BLANC D’UNE CULPABILITÉ ENVERS LE PASSÉ DE MA RACE.

JE N’AI PAS LE DROIT, MOI HOMME DE COULEUR, DE ME PRÉOCCUPER DES MOYENS QUI ME PERMETTRAIENT DE PIÉTINER LA FIERTÉ DE L’ANCIEN MAÎTRE.

JE N’AI PAS LE DROIT NI LE DEVOIR D’EXIGER RÉPARATION POUR MES ANCÊTRES DOMESTIQUES.

IL N’Y A PAS DE MISSION NÈGRE ; IL N’Y A PAS DE FARDEAU BLANC.

JE ME DÉCOUVRE UN JOUR DANS UN MONDE OÙ LES CHOSES FONT MAL ; UN MONDE OÙ L’ON ME RÉCLAME DE ME BATTRE ; UN MONDE OÙ IL EST TOUJOURS QUESTION D’ANÉANTISSEMENT OU DE VICTOIRE.

JE ME DÉCOUVRE, MOI HOMME, DANS UN MONDE OÙ L’AUTRE, INTERMINABLEMENT, SE DURCIT.

NON, JE N’AI PAS LE DROIT DE VENIR ET DE CRIER MA HAINE AU BLANC.

JE N’AI PAS LE DEVOIR DE MURMURER MA RECONNAISSANCE AU BLANC.

IL Y A MA VIE PRISE AU LASSO DE L’EXISTENCE. IL Y A MA LIBERTÉ QUI ME RENVOIE A MOI-MÊME. NON, JE N’AI PAS LE DROIT D’ ÊTRE UN NOIR.

UN SEUL DEVOIR. CELUI DE NE PAS RENIER MA LIBERTÉ AU TRAVERS DE MES CHOIX.

 

Frantz FANON in Les Damnés de la terre